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Littérature comparée

  • Niveau d'étude

    Bac +1

  • Composante

    Lettres et langues

Description

Littérature comparée : Médée, une barbare dans la cité

Enseignante : Anne DEBROSSE

Médée, qui est le type même de la barbare, constituera une porte d’entrée pour explorer la notion de « barbare » au féminin, qui se trouve à la croisée de deux axes. Si, au départ, le barbare est l’étranger qui ne parle pas la langue grecque, peu à peu le sens se diversifie et devient très large : le barbare, l’étranger, cristallise finalement un ensemble de traits qui s’opposent à la civilisation. Il incarne une menace vague et inquiétante qui se définit en creux et en opposition par rapport à l’homme civilisé. Par ailleurs, la barbare, c’est dans une certaine mesure le barbare décuplé : si le second n’oppose pas souvent de frein à ses pulsions, la première est encore pire puisque, selon certaines conceptions misogynes et essentialistes de la « nature » féminine, la femme, même civilisée, est plus encline aux débordements de passion et de violence que l’homme. La barbare est l’antithèse absolue de l’homme civilisé, qui se contrôle, citoyen de la polis et pleinement inséré dans le tissu social. C’est pourquoi elle transgresse tous les tabous : infanticide, fratricide, sorcière, sauvage, elle semble ignorer les lois divines et humaines.

Le cours s’emploiera donc à nouer ces deux fils. Néanmoins, comme souvent, la notion est plus compliquée qu’il n’y paraît, ce que les oeuvres et analyses d’oeuvres de toutes époques permettent de mettre en exergue, que ce soit à l’unisson ou grâce à leurs singularités respectives. Ainsi, les oeuvres antiques jouent sur des ressorts qui peuvent nous être étrangers : la Médée d’Euripide est sans doute moins « féministe » (des lectures de la pièce vont dans ce sens, mais en soi ces lectures sont significatives) qu’un « masque théâtral » ventriloque d’un statut social. En revanche, les ouvrages contemporains qui recourent à des figures féminines clairement rapprochées de Médée répondent à d’autres préoccupations. Le cas des « Black Medeas » est à ce titre exemplaire : des autrices noires américaines et françaises contemporaines, militantes, proposent une redéfinition de la barbare à l’aune d’un monde post-colonial : la barbare n’est-elle pas justement celle qui se montre la plus civilisée, la plus humaine, poussée à la violence en réaction à la violence de la société ? De quel droit appeler l’étranger « barbare » et prendre prétexte de sa supposée barbarie pour l’exploiter ? Médée devient ainsi une figure positive, une sorte de martyr, vecteur de revendications. Dans toutes les oeuvres, la barbare est une figure dérangeante par qui arrive une redéfinition de la société qui l’accueille : en faisant exploser la cité ou le microcosme dans lequel elle s’insère, la barbare n’est-elle pas finalement un facteur bénéfique – une crise salutaire, un « mal nécessaire » – pour la civilisation ?

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